Cabinet de médecine chinoise et ostéo kinésiologie

Les baptêmes d’eau, de feu et du crâne

Les baptêmes d’eau, de feu et du crâne

Dans ce texte, Annick de Souzenelle présente la notion des trois baptêmes, comme trois niveaux de rencontre avec les énergies (ou les forces, ou les mouvements) qui nous entourent et nous traversent. Découvrir ces énergies, les comprendre et les nommer, choisir celles que nous élisons, puis évoluer vers l’amour, l’éveil, vers le mouvement infini, c’est-à-dire la vie sans fin. 

« Moi je vous baptise d’eau, dit Jean-Baptiste. Lui (le Christ) vous baptisera dans l’Esprit saint et le feu » (Luc 3, 16). 

En la personne du Christ appelé « deuxième Adam », les chrétiens contemplent deux natures. D’une part, il est Dieu, deuxième personne de la divine Trinité. D’autre part – par son incarnation en notre monde d’exil (de chute) – il est Homme. Mais s’il prend de l’Homme en exil le corps animal pour être parmi nous, il est aussi Homme ontologique, « créé image de Dieu et appelé à conquérir la ressemblance » dans la dynamique des trois baptêmes : baptême d’eau, baptême de feu et baptême du crâne.

Nous connaissons peu ces deux derniers baptêmes et, je le crains, bien mal le premier !

Le baptême d’eau est souvent réduit, pour les chrétiens, au rituel extérieur. Mais si ce rituel ne les renvoie pas à une réalité intérieure, il reste formel, horizontalisé dans le social, non verticalisant. C’est pourquoi les deux autres baptêmes – qui opèrent la verticalité de l’être par un retournement vers les normes ontologiques – sont ignorés.

Les trois étapes de la croissance de l’être

Le livre de la Genèse nous enseigne la dynamique du « faire » divino-humain conduisant l’Adam (l’humanité) de l’image jusqu’à la ressemblance. Il nous révèle la présence en l’Adam (en nous tous) de la matrice en laquelle se jouent les trois étapes de croissance de l’être. Cette matrice est appelée Adamah.

Espace intérieur de l’Adam, la Adamah se fait d’abord matrice d’eau, puis matrice de feu et enfin matrice du crâne. D’elle, l’Adam doit naître à lui-même, de terre en terre nouvelles, à partir de ses « cieux » intérieurs. Les cieux – autre nom de la Adamah – sont appelés ainsi en tant qu’ils contiennent l’image divine fondatrice, noyau de l’être entouré d’une « poussière » d’énergies potentielles que l’Adam doit rencontrer, nommer et intégrer pour croître.

Notre corps biologique, animal, d’Homme en exil porte dans sa partie subtile ce corps ontologique construit sur ces trois matrices. « Les cieux sont à l’intérieur de vous », assure le Christ à ses disciples.

Toutes les traditions connaissent ces matrices que la tradition chinoise, en particulier, appelle « champs de cinabre ». Le cinabre est la matière en laquelle l’Homme vit les mutations qui le reconduisent à l’éternité. Les Amérindiens les appellent matrice d’eau, matrice de feu et matrice faite d’une matière liant l’eau et le feu (les moelles). « La vie est intégration d’un potentiel d’énergies », affirme la physique quantique. La Bible – que nous ne savons plus lire – ne dit rien d’autre depuis quelque quatre mille ans ! En notre monde d’exil dramatiquement normalisé, dont le Satan est devenu prince, ce potentiel d’énergies est aux mains du prince dévoreur et maître de l’oubli.

Baptême d’eau

Cependant, en amont de la tragédie de l’exil – au septième jour de la Genèse, après que Dieu ait différencié l’Adam de sa Adamah, son autre « côté » appelé maintenant Ishah en tant qu’« épouse » – le premier Adam plonge à travers le symbole du sommeil dans la nuit de sa matrice d’eau encore ontologique. Il vit alors une extase, reconnaissant en son Ishah celle qui est « os de ses os et chair de sa chair », soit la totalité de ses cieux intérieurs qu’il a à épouser et à conquérir. Il se relève de ce sommeil-éveil en sachant maintenant le chemin que non seulement il a à parcourir, mais qu’il peut parcourir puisqu’il n’est plus confondu avec celle qu’il doit épouser (son Ishah) et cultiver (sa Adamah).

A cette étape du parcours, on pourrait entendre ce que les Evangiles disent du Christ, second Adam, se relevant de son baptême d’eau : « Jésus fut alors envoyé par l’Esprit saint au désert pour y rencontrer le Satan » (Mt 4, 1). Car c’est lui, le Satan, que le premier Adam va rencontrer – sous le symbole du serpent – avant d’entrer dans la matrice de feu. Nous savons qu’il n’y entrera pas ; il va, en effet, rompre la dynamique du chemin de ressemblance en se donnant en pâture au « dévoreur de poussière », à celui qui va dévorer la poussière-multiplicité de ses énergies ontologiquement appelées à construire l’unité. Ainsi stérilisé, l’Adam mute dans une régression à l’état confusionnel, animal, du sixième jour de la Genèse, en amont du processus de différenciation. Un état dans lequel nous sommes encore, tel un foetus incapable de naître et voué à la mort. C’est au sixième mois de l’année que Marie reçoit la visite de l’ange.

Le Christ vient en notre exil – au cœur de ce monde animal soufflé par l’âne et le bœuf – pour vaincre la mort et ré-insuffler dans nos narines le souffle de vie de l’Esprit saint. Il donne ainsi une ré-ouverture au chemin de ressemblance ; il le redynamise et assume pour cela les trois étapes matricielles.

Baptême de feu

Après son baptême d’eau dans le Jourdain, Jésus rencontre le Satan qui le soumet aux mêmes épreuves que celles du premier Adam. Mais il renvoie l’adversaire, il ne lui confère pas le pouvoir que le premier Adam lui a donné et qui l’a institué ennemi de l’humanité ou confirmé dans ce rôle. Vainqueur du Satan, Jésus est alors introduit dans la matrice de feu. Toute sa vie dite publique témoigne de celle-ci. Le réalisme de son humanité est là, humanité ontologique dont le réel n’est pas notre réel d’humains exilés et coupés de leur intériorité. Ce que nous appelons le réel n’est que la coque des choses, leur apparence ; le Christ vit dans leur cœur.

En la matrice de feu – la Géhenne, Guihon en hébreu, nom du fleuve de feu de l’amour de Dieu pour l’Homme en sa deuxième étape (Gn 2, 13) – le Christ se ceint du ceinturon du guerrier. Il entre en guerre sainte, en guerre avec tous les démons de l’humanité ; il se mesure à eux et en intègre les énergies ; celles-ci délivrent leur information et forment un nouvel Homme en faisant croître la sève de son arbre, l’Arbre de la connaissance dont il est appelé à devenir le fruit.

Jésus se mesure ainsi au démon qui se tapit derrière chacune des maladies (la paralysie, la cécité, la surdité) ; au démon de l’orgueil qui brûle la peau du lépreux ; au démon de l’oisiveté, voire à celui du meurtre peut-être, derrière la main desséchée ; à celui de l’inconscience derrière l’hémorragie indomptée ; au démon de l’adultère et à celui de la prostitution, péchés de l’humanité qui, promise aux noces divines, s’est donnée au faux époux et à tous ses objets de désir.

Ces démons sont légion ! Jésus les intègre, guérit les malades et pardonne. Nous ne sommes témoins que du geste extérieur – la coque du grand-œuvre – mais Jésus joue au cœur de la Géhenne. « Que celui qui a des oreilles entende », dit maintes fois le médecin des âmes et des corps, invitant les siens – et nous tous – à entrer dans l’intérieur de l’évènement.

Par ces évènements mêmes, Jésus définit sa messianité ; à Jean-Baptiste qui, de sa prison, lui fait demander s’il est celui qui doit venir, Jésus répond : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ! » (Mt 10, 2-6). Les morts ressuscitent !

Dans la matrice du crâne

Si Lazare revient à la vie, à celle de la dynamique du chemin de la ressemblance, c’est que Jésus est entré dans la puanteur du tombeau de « l’aide de Dieu », ‘Eli’ezer, Ishah de Dieu qu’est l’humanité. En créant l’Adam, Dieu se donne en celui-ci un autre « côté », une « aide » pour communiquer avec elle et l’épouser. L’humanité est épouse de Dieu en la personne de Lazare. Bafouée par le Satan diabolique, exsangue, morte, elle est rendue à la vie, au véritable époux.

Devant ce démon terrifiant, Jésus frémit, pleure et tarde à entrer en contact avec lui, tant il est redoutable. Ce démon est le démon de l’amour. S’il est divin dans son ontologie, l’amour est diabolique dans ses perversions ; et ses perversions – si souvent grossières – peuvent être parfois d’une subtilité telle que le serpent y excelle en sa ruse, en les faisant miroiter comme sublimes.

En vérité, « rien de ce qui n’est assumé n’est sauvé ». Et tout est sauvé par le Christ qui a tout assumé en son être d’Homme ontologique. « Tout est accompli », dit-il. Sa nature n’est qu’amour brûlant, Eros pur que la nature animale exprime dans la qualité d’amour qui lui est propre et dans la sexualité. Le Christ rencontre le démon de l’Eros en-deçà de sa manifestation en la sexualité ; il le rencontre en l’énergie maximale dont il procède. 

La nature humaine du Christ, en amont de l’exil, appartient à l’ordre qui, dans la matrice de feu, correspond à l’échelle que montent et descendent les hiérarchies angéliques. Jésus gravit chaque degré dont le plus élevé est celui de l’éros. C’est à ce niveau de profondeur et de hauteur que Jésus rencontre le démon de l’éros, combat avec lui et s’unit à lui, prémices de la résurrection ! C’est alors qu’il entre dans la matrice du crâne où, là, il se mesure au Satan lui-même. Et c’est la Résurrection !

Annick de Souzenelle